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Depuis 2002, les femmes afghanes se battent pour échapper au carcan culturel et repousser les limites d’une société coutumière et répressive qui les enferment. Pour cela elles peuvent être ouvertement fouettées et exécutées. Sous le régime Taliban, elles n’étaient pas autorisées à aller à l’école, à travailler, à être vue en public sans burqa, à sortir de chez elles sans un parent masculin. Maintenant, trois millions de filles vont à l'école. Elles sont de plus en plus nombreuses étudiantes, politiciennes, enseignantes, médecins, sages-femmes, etc. Néanmoins le sort de la majorité des femmes afghanes reste sous oppression, abus, violences domestiques, mariages forcés pour les mineures, échanges pour régler un différent, et ce surtout dans les régions reculées. 

Comment, en tant que femme, dessines - tu ton chemin et fais-tu entendre ta voix dans l’Afghanistan d’aujourd’hui, un pays déchiré par la guerre, empreint d’archaïsme et de conservatisme, l'un des pires endroits

pour être née femme ? 

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Avoir une vie morcelée


MAJAN,

Petite tu aurais eu la chance de faire du skate à l’école. Tu aurais participé au projet de cette ONG pour gagner confiance en soi, se sentir libre et libérée. Tu aurais défié les codes et la bienséance de monter sur ton skate dans un pays où dès l’âge de 16 ans les femmes ne sont pas même autorisées à monter à bicyclette.

Qu’en est-il maintenant que tu as 30 ans ? 


Tu aurais récemment trouver un travail. Tu serais excellente dans ton travail, intelligente, appliquée, comprenant très vite les enjeux. Tu aurais énormément de potentiel pour évoluer. Seulement ton jeune mari en aurait décidé autrement et il aurait un rôle social de tutelle. Il serait venu te chercher. Ton manager aurait tenté de lui démontrer tes capacités, sa kalachnikov parlerait plus fort.


On apprendrait ton assassinat. Ton frere serait ton meurtrier. Il n'aurait pas apprecie qu un autre homme te regarde et aurait prefere une issue radicale a la situation. c'est ce que l'on appelle ''un crime d'honneur'' 


GULGUTHAI,

A 11 ans tu désobéirais à tes parents quand ils te demanderaient de ne pas porter le niqab parce que tu aurais appris l’inverse à l’école coranique. Les enseignements dureraient toute la journée et tu n’aurais plus la possibilité d’aller à l’école régulière pour apprendre les mathématiques, les sciences, l’histoire, etc. Tu serais maintenue dans une certaine ignorance.


Toute jeune tu penserais déjà que si une femme socialise avec un homme étranger à sa famille, le diable s’invite nécessairement à la rencontre comme une tierce personne. Tu répèterais aussi que la femme a des droits mais que l’homme est le patron et sa femme son employée.


Tu aurais juste 13 ans. Tu irais à la mosquée pour les enseignements religieux. Tu aurais été violée à plusieurs reprises par le mollah après qu’il t’ait donné des médicaments pour perdre connaissance. Tu serais tombée enceinte. On t’aurait ensuite forcée à te marier. Face à une jeunesse perdue et gâchée à jamais, tu ferais le choix de t’ouvrir les veines.


NAZPARY,

Tu serais jeune. Tu voudrais profiter de ta jeunesse. Tu serais partie pique-niquer avec une amie et 2 copains. Tu aurais simplement voulu t’amuser, découvrir, profiter, explorer, tester... La police serait venue, en pleine campagne, interrompre ton pique-nique bucolique sous prétexte ʺd’atteinte à la moraleʺ. Elle t’aurait gardée en garde à vue pour quelques jours. Tout le commissariat te serait sans doute passé dessus. 


Tu aurais consacré plusieurs années à tes études de droit et à te battre pour ton avenir. Tu aurais été juge pendant plus de 20 ans au Tribunal pour mineurs. Tu aurais pu avoir un siège à la Cour Suprême de ton pays. Mais les conservateurs en auraient décidé autrement sous prétexte que les plus hauts postes doivent être réservés aux hommes et qu’une femme qui a ses règles ne peut toucher le Coran (pour jurer devant la Cour). Il n’était pas envisageable d’avoir un Juge de la Cour suprême absent une semaine par mois. Les défenseurs des droits de l’homme comptaient pourtant sur cette nomination pour amorcer la refonte d’un système juridique intrinsèquement sexiste qui va jusqu’à considérer que le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme.


FARKHUNDA,

Tu suivrais avec rigueur l’enseignement du Coran et la voie religieuse, tu prêcherais l’Islam. Dans un sanctuaire tu t’insurgerais contre les pratiques des mollahs que tu considèrerais comme ʺles marchands du templeʺ aux comportements superstitieux et anti-islamiques, diseurs de bonne-aventure et colporteurs de porte-bonheurs aux visiteurs incrédules. Ils t’accuseraient alors haut et fort d’avoir brûlé le Coran. A plusieurs ils t’attraperaient, t’incrimineraient pour être infidèle. Ils te lapideraient, te battraient à mort puis te brûleraient vive, en plein rue, en plein jour avant de te jeter sur les rives de la rivière de la ville. Tes opposants seraient des mollahs, des taxis, des commerçants, des jeunes gens de la rue, des policiers. Des exécutions publiques auraient été réclamées par la population.


On dirait de toi que tu étais psychologiquement malade, mais en quoi cela amoindrirait-il l’atrocité de tels actes ? Puis ton innocence serait démontrée au cours du procès. 49 hommes auraient été jugés. 4 hommes seraient condamnés à la pendaison, peine réduite à 20 ans de prison. 8 autres d’abord condamnés à 16 ans de prison seraient ensuite acquittés. 18 seraient relâchés par manque de preuves. Et les 19 derniers seraient des policiers dont la réelle implication serait soi-disant difficile à prouver. Les protestations suivraient avec « we are all Farkhunda ». Tu deviendrais une icône, martyre à 27 ans, et ton nom serait repris dans les médias du monde entier et par tous les défenseurs des droits de l’homme. 


NABILA,

Tu n’aurais pas choisi ton futur époux, mais tu l’imaginerais comme l’homme parfait, ʺle prince charmantʺ. Tu serais en train de t’apprêter pour ton mariage. Tu t’engagerais dans une vie nouvelle. Jour de fête et de parures. Les invités arriveraient et serviraient le thé. Ils t’attendraient tout comme ton futur époux. Une embuscade à côté de ta maison. Un mortier devancerait les feux d’artifice de ta fête. Tu ne serais finalement jamais mariée. Ta robe de mariée te servirait de linceul.



HAMIDA,

Tu aurais été mariée si jeune. Tu aurais pensé que ton mari serait gentil, à ton écoute, présent pour t’épauler, partager tes joies et tes peines. Mais très vite les violences conjugales seraient devenues ton lot. Ton mari te trainerait par les cheveux, te claquerait la tête par terre, tu sentirais son pied t’écrasant le cou. Tu ne te souviendrais plus du dernier accès de violence de ton mari si ce n’est que tous les coussins sur le sol étaient mouillés de ton sang. Enceinte, tu aurais perdu ton bébé. Parmi ton groupe d’amies, une seule sur les 10 serait chanceuse et épargnée par les violences physiques, sexuelles, psychologiques de la part de son mari ou ses proches. Le plus dur est sans doute que la majorité de ces abus sont causés par les personnes que vous aimiez et en qui vous aviez confiance.



Une de tes amies aurait fui son mari et sa belle-famille. Elle aurait d’abord cherché refuge auprès de ses propres parents ; sa mère l’aurait rejetée sous prétexte que d’autres femmes sont battues par leur mari à coups de crosse de kalachnikov et qu’elles ne fuient pas pour autant. Elle aurait ensuite rejoint un foyer pour femmes victimes de violence. Mais combien de temps pourrait-elle y rester ? Le conseiller juridique la découragerait de demander le divorce parce qu’elle se mettrait dans une position de vulnérabilité économique si elle quittait son mari. Des membres du gouvernement voudraient fermer ces foyers qu’ils considèrent comme un espace d’accueil de femmes dépravées et l’apogée d’idées occidentales. Finalement ton amie serait retournée chez elle, auprès de son mari violent qui pourrait causer sa mort. La seule autre alternative était comme sa voisine de s’ouvrir les veines ou de s’immoler avec pour mobile qu’elle n’aurait jamais vécu une bonne vie dans ce pays, ni comme fille, ni comme femme, et pas même comme mère.



REIHANA,
Tu aurais été déplacée, fuyant ton village pour trouver plus de sécurité dans la capitale. Depuis des années tu vivrais dans les bidonvilles kaboulis. Pas d’accès à la terre ou au titre de propriété, difficulté d’avoir des infrastructures pérennes, manque d’opportunité d’embauche. Tu serais livrée à la solitude de ta condition, face à un mari désœuvré et drogué qui abuserait de l’opium. En réponse à sa propre frustration il te battrait. Il t’interdirait aussi de sortir, de voir des amies, et même de rendre visite à ta mère et tes sœurs. Tu n’aurais pas vu ta famille depuis tant d’années. Tu ne verrais pas d’issue. Tu resterais uniquement pour tes enfants, mais comme toutes tes amies tu préférerais mourir que vivre.





ISMAHANE,
Tu serais activiste des droits des femmes. Tu aurais décidé de provoquer en manifestant dans les rues de Kaboul en costume metallique offrant un large posterieur et une genereuse poitrine. En même temps, un petit groupe d’hommes se seraient rassemblés en portant la burqa en public pour dénoncer le carcan infligé aux femmes. Combien seriez-vous à oser ?



FARIDA,

Tu arriverais pour une échographie à 4 mois de grossesse, accompagnée par la seconde femme de ton mari.

Elle t’aurait emmenée non pour des raisons médicales mais uniquement pour connaître le sexe du bébé. Un garçon serait annoncé. L’autre femme de ton mari commencerait alors à être violente et à te frapper par jalousie parce qu’elle n’aurait que des filles. Une fille n’est pas intéressante, elle quitte le foyer pour aller chez son mari. Alors qu’un garçon reste et prend soin de ses parents. Quand vous demandez à quelqu’un combien d’enfants il a, c’est fort possible qu’il ne mentionne que ces fils.


Tu serais transportée à la maternité en urgence. Tu en serais à ta quatrième grossesse, la moyenne étant de 7 dans cette région. Cette fois-ci l’accouchement pourrait t’être fatal sans césarienne. Cela serait méticuleusement expliqué à ton mari et ta belle-mère qui refuseraient catégoriquement et choisiraient la méthode traditionnelle au péril de ta vie. Même pour des questions intimes et obstétriques, les maris et les belles-mères décident. La femme n’est pas libre de son propre corps.